" Méditations "

sur les écrits d’Hermès

 

JE ME SOUVIENS !

Que je suis né sous le lys (francophonie)

Et que je crois sous la rose (anglophonie)

Georges Saint Michel (1850-1926)

 

La Table d’Émeraude !

 

Voici ce que le prêtre témoigna sur son entrée dans la chambre obscure :

Après mon entrée dans la chambre où se trouvait le Talisman, j’arrive auprès du vieillard assis sur un trône d’or, qui tenait dans une main une Table d’Émeraude. Et sur cette table on lisait, écrit en Syrien, la langue primordiale :

1° - Ici est l’explication vraie par laquelle on ne peut pas douter.

2° - Elle dit : Ce qui est supérieur provient de ce qui est inférieur, et ce qui est inférieur provient de ce qui est supérieur, l’œuvre des merveilles de l’unité.

3° - Et c’est par un seul procédé que les choses se sont formées de ce principe premier. Que son œuvre est merveilleuse ! Il est le chef, le Principe du monde et son conservateur.

4° - Son père est le Soleil et sa mère, la Lune; le vent l’a porté dans son ventre, et la terre l’a nourri.

5° - Il est le père des Talisman et le préservateur des miracles.

6° - Dont les vertus sont parfaites et dont les lumières sont vérifiées !

7° - Un feu qui devient terre. Tu sépareras la terre du feu, alors le subtil sera plus inhérent que l’épais, avec douceur et sagesse.

8° - Il monte de la terre au ciel, afin de s’approprier les lumières d’en - haut et il descend en terre tout en réunissant en soi la vertu du supérieur et de l’inférieur, parce que la lumière des lumières est en lui, de sorte que l’obscurité s’éloigne de lui.

9° - Il est la force de toute force qui vainc toute chose subtile et pénètre tout chose solide.

10°- La structure du petit monde, le microcosme, correspond à la structure du grand monde, le macrocosme.

11°- Telle est la façon dont procèdent les savants.

12°- Et c’est aussi ce à quoi Hermès se livra, lui qui posséda le triple don de Sagesse.

13°- Et ceci est son dernier livre qu’il cacha dans la chambre.

Comme ce texte ne fut connu que depuis les années 1193 – 1280, et qu’aucun autre texte ou manuscrit d’une date antérieure n’avait pu être trouvé, il fut reconnu comme l’original de la Table d’Émeraude.

Longtemps il fut considéré comme apocryphe non seulement au point de vue de son authenticité en tant qu’œuvre d’Hermès Trismégiste, mais encore au point de vue de son authenticité intrinsèque comme une œuvre digne d’être incluse dans le Corpus Hermeticum ou collection des textes apocryphes des premiers siècles de notre ère attribués à un auteur connu sous le nom ou pseudonyme d’Hermès Trismégiste. Or le texte de la Table d’Émeraude n’est pas contenu dans l’édition considérée comme la plus complète du Corpus Hermeticum, celle de Walter Scott. La même remarque s’applique aussi au Corpus Hermeticum établi et traduit par Nock et Festugière… Scott écrit ce qui suit :

"… the masses of rubbish which fall under the heading of writings concerning astrology, magic, alchemy and kindred forms of pseudo – science…"

lequel ‘rebut’, cependant, est aussi attribué à Hermès Trismégiste :

"… the contents of which are also ascribed to Hermes Trismegistus…"

Le critère dont Scott se sert pour établir si un écrit attribué à Hermès Trismégiste est à inclure dans le Corpus Hermeticum ou à rejeter, est qu’il doit traiter du problèmes religieux et philosophiques ou de la nature, d’une manière ‘psudoscientifique’. Autrement dit les écrits traitant de problèmes de religion et de philosophie appartiennent au Corpus Hermeticum tandis que les autres ne sont pas dignes d’y être incorporés.

Néanmoins, selon le prologue ‘d’Asclepius’ :

"…j’ai bien en vue que plusieurs de mes écrits ont été adressés à lui (Ammon) et aussi que plusieurs de mes traités sur la nature… ont été adressés à Tat…"

Comment peut-on se permettre de rejeter tous les écrits sur la nature et de ne considérer que la seule catégorie ‘adressée à ‘Ammon’ comme authentique alors que l’on a connaissance du fait que l’auteur d’un écrit ‘Asclépius’, reconnu comme authentique dans le Corpus Hermeticus a proclamé d’une manière explicite qu’il est l’auteur d’une autre catégorie d’écrits, à savoir ceux qui traitent de la nature ?

Quant à la Table d’Émeraude, sa parenté d’idée avec le même ‘Asclépius’ saute aux yeux. Ainsi, par exemple, Hermès dit :

"L’air entre dans la terre et dans l’eau, et le feu entre dans l’air. Seulement ce qui tend vers en haut donne la vie, et ce qui tend en bas est subordonné à lui. Outre cela, tout ce qui descend d’en haut est susceptible de générer, et ce qui monte, avant son origine en bas, est nutritif. La terre qui seule garde sa place d’une manière stable reçoit tout ce qui génère et rend tout ce qu’elle a reçu."

Pourquoi ces idées seraient-elles considérées comme plus "religieuses et philosophiques" que celles de la Table d’Émeraude ? Celle-ci parle aussi du mouvement d’en bas et d’en haut et de la génération par le Père Soleil et la Mère Lune, ainsi que de la fonction nutritive de la terre.

Serait-ce parce qu’aucun texte de la Table d’Émeraude n’a été trouvé antérieurement au XIII° siècle ?

Or, les Heidelberger Akten des Von – Portheim – Stifrun, IV, publiés en ouvrage par Julius Ruska : "Tabula Smaragdina. Ein Beitrag sur Geschichte der hemetischen Literatur" (Un exemple de ce livre publié aux environs de 1932, se trouve à la bibliothèque documentaire du journal néerlandais Nederlandsch Tijdschrift voor Geneeskunde – Journal Néerlandais pour la Médecine à Amsterdam).

Ce livre contient la description du "manuscrit" de G. Berg-strasser en langue arabe. Ce manuscrit comprend 97 feuilles; dont 25 contiennent l’histoire de Joseph et 40 consistent en un traité chimique qui comporte à titre de résume, le texte de la Table d’Émeraude (en arabe, comme l’ensemble du manuscrit), suivit de 32 feuilles consacrées à d’autres sujets, notamment des renseignements sur le calendrier du Prophète Daniel.

Le traité chimique serait écrit par un prêtre du nom de Sâgijus de Näbulus, son contenu proviendrait de Maître Balinas le Sage (qui est le nom arabe d’Apollonius de Tyane) qui lui–même l’aurait découvert dans un appartement souterrain. Nous vous avons présenté au début de cet essai la traduction de ce texte arabe de la Table d’Émeraude tel qu’il se trouve dans le manuscrit.

Mais Julius Ruska n’est pas le seul à avoir le texte arabe de la Table d’Émeraude. L’auteur de Alchemy, E. J. Holmyard, signale qu’il a trouvé un texte écourté de la Table d’Émeraude en Arabe. Ce texte fait parti du Second Livre de l’Élément du Fondement de Jabir ou Géber (722 – 815).

Avant cette découverte faite en 1928, on ne connaissait que le texte en latin médiéval. Ultérieurement, une autre variante en arabe fut découverte par Ruska dans un livre intitulé : Le secret de la Création attribué à Apollonius. Jabir (ou Géber) lui-même, en donnant le texte de la Table, déclare qu’il cite Apollonius. Or, Kraus a démontré que Le Secret de la Création fut écrit, au moins dans sa rédaction finale, pendant le caliphat d’Al-Ma’mon (813 – 833) et qu’il comporte des parallèles avec un livre écrit à la même époque par Job de Édessa; (Réf : Initiation dans la Pyramide, Jean Samuel), Job était un érudit dont les traductions du Syriaque en Arabe avaient mérité la louange d’un critique aussi sévère que Hunain Ibn Ishaq. Il est donc vraisemblable que, même si Job n’avait pas écrit Le Secret de la Création, aussi bien lui que l’auteur du dit traité avaient puisé à des sources plus anciennes et identiques. Kraus a démontré que l’une de ces sources était les écrits de Nemesius, évêque d’Emese (Homs) en Surie, au cours de la 2° moitié du 4° siècle.

Nemesius écrivait en Grec, mais son livre Sur la nature de l’homme ne contient pas la Table. En résumé on peut conclure que la forme la plus ancienne de la Table connue, en Arabe, fut probablement une traduction du Syriaque, mais qu’elle peut bien aussi avoir pour base un original Grec. Cet original remonte-t-il au temps d’Apollonius ? C’est là un problème insoluble.

L’état présent des études historiques sur la Table d’Émeraude est donc le suivant :

Elle était connue en arabe comme traduction du Syriaque au commencement du IX° siècle; deux variantes arabes en existent; rien ne s’oppose à la tradition arabe selon laquelle elle fut traduite du Syriaque, pas plus qu’à la tradition qui l’a fait provenir d’Apollonius.

On peut ajouter que rien ne s’oppose non plus à la tradition selon laquelle Apollonius l’aurait trouvé à son tour de la manière décrite par le prêtre Säijüs de Näbulus.

Quoi qu’il en soit, il est certain que la Table est d’origine plus ancienne qu’on ne l’avait cru jusqu’en 1923, et il y a lieu de reconsidérer l’opinion selon laquelle elle serait indigne d’être incluse dans le "Corpus Henneticum".

Qu'en à nous, nous avons toutes les raisons - aussi bien subjectives qu’objectives - "in foro interno", d’être sûr que la Table d’Émeraude est sans doute la seule pièce absolument authentique de tout le Corpus Hermeticum, et cela en ce sens que son auteur n’est ni le "troisième" Hermès, ni le "deuxième" , mais bien le premier – c’est-à-dire le fondateur de la tradition hermétique en tant que telle – tradition dont les chaînons principaux (selon Ficinus, en 1471) sont Hermès Trismégiste – Orphée – Pythagore – Philolaüs "Divi Platonis nostri peraeceptor" - Platon – les Néopythagoriciens (Apollonius) – les Néoplatoniciens (Plotin).

 

[Jean Samuel G.- 1999]

Site Autre Conscience, Autre Monde :

http://ourworld.compuserve.com/homepages/Claude_b/